top of page

Entre deux seuils ...

​​

Au clair de Lune, je prends une cuite. Oui, je sais, ce n'est pas bien. Je suis face aux vagues avec une de leurs cousines : vague à l'âme. Les pieds sur le sable encore chaud de la journée, je vaporise mon écume d'alcool au flux de chaque tentatrice de grignoter  le rivage. J'attends ma rédemption.

J'ai quoi, pour en arriver à me prendre des degrés à faire jaser tous les foies du monde. Eh bien, j'avoue, et avec une difficulté certaine, (les apparences sont trompeuses), que j'ai chopé une merangène. Oui, je sais, c'est louche et pourtant.

​

J'étais au carrefour des Huis Saints, à un stop. Là, rien de bien méchant. Je suis à vélo, tranquille. Je pose mon pied gauche à terre. Je vois passer une voiture, deux voitures, trois voitures, … à ma droite. Quand, je suis pris par une sorte de crampe et mille deux cent cinquante et une micro piqûres ( j'ai compté, oui, oui) entre l'aine et le genou gauche. J'ai serré les dents et le reste. La durée de cette douleur est pour moi indéterminée, je me suis réveillé dans un lit, aux urgences. Le diagnostic a été sans appel : une merangène, celle qui est incurable.

Au début, on n'y croit pas et on se laisse aller à des injures copieuses sur la vie et le monde en général, qui lui, en particulier se moque bien de l'individu, avant de sombrer dans un fleuve de larmes du nom de Pessimiste.

​

Après quelques semaines de mise à l'écart de la culture industrieuse et consommatrice, j'ai décidé de me procurer une plante rare qui grimpe aux arbres comme le lierre : le mercaptan. Sa sève mélangée à du bicarbonate et à de l'estragon doit être bue au premier quart de Lune de décembre, accompagné d'un alcool à dévaster le premier virus de la grippe qui se pointe.

​

J'ai attendu plusieurs mois ce fameux quart de Lune de décembre. Mon état de santé se dégradait comme les ruines d'Izumo et je devenais au fil des jours, blanc cadavre. Ce qui, inquiétait mon entourage et surtout mes collègues de boulot qui, je l'ai su par inadvertance entre un couloir et les toilettes que des paris avaient été engagés : mourra, mourra pas avant la fin de l'année.

J'étais au bord du gouffre, mais pas à l'intérieur. Pour mettre toutes mes chances de survie, voire guérir ( l'espoir est l'apanage des pauvres), je me suis procuré sur l'île des Singularités, un quartz très rare : la méristème. Il émet des ondes radioactives de faible portée, tel que le silicium. Il faut, avant de le poser sous la peau, (fesse gauche de préférence) le tremper trois jours dans une eau de rose et de poirier. L'opération sous-cutanée se fait en toute discrétion dans une cave de terre battue, entre liqueurs et fromages, sans anesthésie.

​

A quand le retour à la vie ? Je suis vide entre les gouttes d'eau qui s'écrasent sur le sol, sans un cri. Y aura-t-il un demain? Dis-mois, la Vie ? Regarde-toi le nombril et moi, que suis-je pour toi ? Une molécule parmi d'autres ? Oui, tu as raison. Tu es chroniquement vivante et moi chroniquement mort. Mais c'est quoi la mort ? Tu ris ? Pour toi, elle n'a pas d'existence. Un simple mot, une transition : éteindre, allumé.

​

C'est moi qui suis allumé. Je divague sur la plage. Je n'ai plus froid. L'effet de l'alcool ? Ton effet à toi, qui me reprend dans tes bras, la Vie ?

​

© Max-Louis MARCETTEAU 2012

bottom of page